Musique de chambre pour Soundiata et les rois de France
Toute
musique qui ne monte pas au ciel, est mauvaise ou insincère.
Dans ce corps immense, cette nef de la basilique de
Saint-Denis qui cloue les rois de France dans un sommeil de belle pierre et
d’émaux, le Wassoulou promène son joyau vocal serti d’un orchestre de musique
de chambre emmené par Tunde Jegede. Ce chef d’orchestre discret presqu’inconnu
est riche de confluences musicales et culturelles. Il introduit un univers
où les métissages et la biographie
trouvent un blason dans une interprétation à la kora de cette monstrueuse
« Marche funèbre » de Chopin. Dans cette alvéole spatio temporelle, la
rencontre entre les musiques classiques européennes et ouest africaines se fait
le plus naturellement. C’est comme si l’empereur du Mali, Soundiata Keita et
son auguste cour rendaient visite aux grands châtelains Bourbon.
Certains rapprochements ne sont même pas
à faire, ces mélodies se contentent de trembler leurs potentiels dans une
tectonique des audaces et des sens qui finit par les éclore dans des niches insoupçonnées.
Oui, la voix de Oumou Sangaré et le De Profundis drainent le même fleuve de
puissance et de trémolos qui consolent ceux qui reste et absout ceux qui
partent. Le Gnagnorou qui égayait les rives du Djoliba taquine son homologue
violon dans un dialogue serein et altier. La nef, ce thorax ouvert et habité le
plus clair du temps par le plain-chant, reçoit le souffle chaud de Kassé Mady
Diabaté, héritier de Balla Fasséké le griot du Mali impérial. A la geste
immense ainsi transmise, s’accorde le Brodsky Quartet. Sans pli.
Le drapé des basins des divas et des icones chatoient
sous les vitraux bigarrés. La voute immense encaisse les charges des fameuses
vingt et unes cordes de kora de Toumani Diabataté. Sept pour le passé, sept
pour le présent et sept pour le futur. De quoi griser les saints et remplir
d’allégresse les angelots mélomanes et
espiègles.
Tounde
Jegede concrétise ainsi les rêves mouillés de tous ceux dont les goûts musicaux
excèdent les cloisons et classements de bacs à disques. Comme les grands
classiques africains sont souvent méconnus, je n’eus pensé entendre cet élégant
virtuose Toumani Diabaté dans un orchestre de chambre.
Que la république, faute de mieux,
bénisse la basilique de Saint-Denis. Un ex
voto laïc que seule la musique et l’acte sexuel arrachent aux incorrigibles
dubitatifs dans une conversion enfiévrée dont la parousie n’est point repoussée
mais palpable dans la plénitude des sens et des émotions. Le céleste ne sautait
être religieux, il est musical.